mercredi 23 décembre 2009

With Jerry OX & Harry Jr à NY



(Central Park en septembre 1984)


Si Harry m'était conté, on en raconterait une tonne à son sujet, mais bon, il a traversé autant de long en large de la plus irradiante, de cette irritante ; Manhattan,

Trop Hautaine, si haute, bien froide, encore fiévreuse, mais si droite, qu'à la verticale, elle reste encore bien tranchante, avec son univers de cités de verre qui brillent de jour comme de nuit, armées de béton armé, d’architectures de folie, de fumées oppressantes sortant des narines des rues défoncées, de ces foules à moitié folles, dilettantes à marée montante qui se croisent et se décroisent, au rythme incessant

Et dans son ventre mou, presque indigeste, les entrailles, des ferrailles, les êtres de l'ombre, une flore intestinale..

King Kong a dormi sous les ponts, sous Brooklyn bridge le mastodonte, et s’est réveillé en haut de l’affiche

Ny est sauvage, presque animal, un poil attirant, un coup de foudre et tombe l’amour.

Tout est écrit, moi aussi, je longe les rues comme des lignes. Ny m’habite, me donne du boulot, je bosse pour elle, pour lui, pour eux. Pour cette ville, pour cette compagnie, pour un chef, pour les flics,

Je retrouve Harry parfois, au hasard des choses, à la morgue, à l'hosto, dans les allées de Central Park, sur un footing, un jogging. Toujours en mouvement telle une Rhapsodie de Gershwin, avec des phases de vents, de solo, de percussion, pour finir sur les cordes, celles qui vous martèlent, vous pincent jusqu’à la moelle. Il y a toujours ce final, cette corde qui vous reste à la gorge, qui ne vous lâche pas, qui vous revient comme un enfer, qui vous rattrape, qui vous tient et vous retient, qui vous balance, qui vous dévoile, qui vous envoie à une potence pour un jeu de feu, un trafic ténébreux, pour une poignée de dollar, pour une poudre blanche. Les sirènes hurlent, gémissent, foncent à toute allure, elles nous rappellent, les drames, le mal qui refait surface dans le fond des nuits. La guerre des gangs, La loi des armes , les règlements de compte. Dans certains quartier, on ne fait pas de quartier, on dégomme, on efface, on menace, on vous suit à la trace. Dans mon ambulance, j'en vois de toutes les couleurs, des morts bleus, des camés blanc pâles, des clodos saumâtres, des alcoolos grisâtres; des psychiatres, des psychopathes, des putes aux mille disputes, un tas de types abattus peu standard, à moitié dans le comas. Chaque jour, j'ai mon lot de marchandise dans l'arrière caisse. Du paumé, du périmé, du cinglé, de tout et n'importe quoi. Je ramasse, c'est tout. Gyrophare et sono à plein tube pour une urgence, ça gémit dans le brancard, le sang pisse dans un violon. Les rats sortent la nuit, en pleine rue, pour chercher leur proie, leur pitance, leur pain noir, leur jouet, leur victime, ils sont à l'affut, avec des lames aiguisées, un barillet bien huilé. Une balle 45 ACP dans la cible, pas une seule bavure, juste encore un trou dans la nuit. Encore une urgence, j'y vais dare-dare à la 72ème west street. Pas de détail, un travail de pro comme souvent, une ombre blanche reste sur le carreau, près du caniveau. La brigade est sur place, Le médecin légiste a consigné et moi, j'arrive , je n'ai plus qu'à signer, je ramasse. Harry est sur le côté, le regard éteint des nuits courtes et blanches, il a senti mais n'a pas vu venir, tout va si vite parfois, NY est une ville explosive, elle vous pète dans les doigts, en pleine tête parfois, il ne faut pas dormir ni debout, ni assis, Harry est arrivé un poil en retard, il le savait mais il a vu la scène, trop tard, le sang a coulé. Avant d'enfourner le corps, j'échange deux à trois mots avec Harry pour se remettre dans la partie. La lune a encore fait mouche ce soir, elle était pleine comme un œuf. Elle fait grossir les hostos, elle fait éclater la tête des dingues, elle réveille le loup dans le corps des hommes. Il y en aura d'autres. La nuit n'est pas finie, Harry. On s'en brûle une petite, une Lucky strike, pour porter chance. Faut que j'y aille Harry, j'ai pas de temps à perdre, le boulot, c'est le boulot. Si on ne se revoit pas, je te souhaite bonne route, de bonnes affaires, bonnes fêtes, Happy Xmas Harry
et peut-être une bonne année, aussi.








Amikalement sic

texte inspiré du blog du Magic Ox, à voir, à écouter et à lire surtout.

Livre photographique de Sic Luceät (242 pages)

Acheter Lumière au fond mon oeil